dimanche 16 décembre 2012

Conte - La Petite Fille et le Chien Errant

La Petite Fille et le Chien Errant



Il était une fois une petite fille qui aimait se promener dans les rues de son village. Elle adorait ces quelques heures passées loin de chez elle. Elle avait pourtant une très belle maison dans laquelle elle avait tout ce qu'il lui fallait. Mais les enfants aiment partir à l'aventure, même lorsqu'ils n'ont besoin de rien, et c'est là un avantage considérable qu'ils ont sur les adultes. Un jour qu'elle se baladait, elle vit au loin passer un chien errant. Il semblait sale et hargneux, et bien qu'elle fût jolie et bien vêtue, elle se prit d'affection pour lui. « J'ai toujours rêvé d'avoir un chien. », pensa t-elle. « Mais papa et maman m'ont mise en garde contre les chiens errants, ils disent qu'en les approchant on risque de se faire mordre... ».
Pendant les semaines qui suivirent, elle l'observa de loin, feignant de ne pas lui prêter attention, se faisant discrète. Vint le jour où elle se sentit prête à l'approcher. Elle prit son courage à deux mains et le siffla du bout de la rue. Intrigué, le chien errant trottina jusqu'à elle. Elle approcha sa main de son museau, prudemment, craignant de se faire mordre. Quelle ne fut pas sa surprise quand elle le vit se rouler par terre et faire le beau ! « Mais tu es un gentil chien ? ! Oh oui, tu es un gentil chien. », dit elle en le caressant. Il se montra tellement docile qu'elle décida de le ramener chez elle. Le chien la suivit sans montrer la moindre méfiance. La petite fille eut beaucoup de mal à convaincre ses parents de recueillir l'animal. Ils n'aimaient guère l'idée de laisser leur enfant s'amuser avec un chien dont ils ne connaissaient rien et ne pouvaient anticiper les réactions. « Mets le dehors . », lui dit sa mère. « Si vraiment tu veux un chien, nous irons demain à l'animalerie et nous t'achèterons un beau chien, propre et bien dressé. Mais je ne veux pas que tu gardes cette bête ici. ». L'enfant dut faire preuve d'une grande ténacité pour les convaincre. Mais à force de promesses et de supplications, elle réussit à obtenir une période d'essai pour le chien, qui avait suivi la conversation assis sur le seuil, droit et sage. Le père mit cependant la petite fille en garde. « Au moindre problème, je l'amène à la fourrière. Je ne connais que trop bien ces bêtes là. On ne domestique jamais vraiment un chien errant. ».
Malgré cela, le chien fut relativement bien accueillit dans son nouveau foyer. Bien qu'il se montrât un peu craintif au début, peu habitué à côtoyer les hommes, il gagna vite la sympathie de la famille. Il se laissait approcher et caresser par tout le monde, se montrait joueur quand il le fallait et calme quand le besoin s'en faisait sentir. La petite fille pensait avoir trouvé là le compagnon idéal, et elle n'eut pas besoin de se faire prier pour corriger les anciens réflexes de l'animal. Elle lui fit prendre des bains régulièrement, lui apprit à manger dans une gamelle et à heure fixe, elle lui apprit même à ne plus aboyer après les passants. Mais elle sentait en lui quelque chose d'étrange. Il se montrait chaque jour plus câlin et plus docile, certes, mais c'était comme si quelque chose en lui essayait en vain de refaire surface. Comme s'il manquait quelque chose. Elle le surprenait de plus en plus souvent allongé devant la fenêtre à regarder dehors. Parfois, il réussissait à sortir de la maison pendant un moment d'inattention et elle ne le revoyait plus de la journée. Mais, quand il revenait, il passait tout son temps avec la petite fille, tantôt les quatre pattes en l'air, tantôt couché à ses pieds, si bien qu'elle ne pouvait jamais vraiment lui en vouloir. Le chien apprit à aller chercher le journal, à rapporter la balle, et il se laissait même enfiler des chaussettes et des chapeaux que l'enfant avait trouvés dans une boutique spécialisée. La période d'essai était passée, et les parents de la petite fille avaient oublié leurs réticences. Ils s'étaient attachés à lui au point que même le père, qui se montrait rarement jovial, se mit à jouer avec l'animal pendant leurs sorties au parc.
Mais, parallèlement, le chien s'absentait de plus en plus souvent, et de plus en plus longtemps. Comme s'il cherchait à établir un équilibre. Et l'enfant, ne connaissant pas la cause de ses escapades, avait de plus en plus peur qu'il ne revienne pas. Un jour lui vint une idée. « Et si je lui achetais une laisse ? Ainsi, il ne pourra plus s'enfuir lorsque je le promènerai, et je n'aurais qu'à l'attacher dans le jardin lorsqu'il n'y aura personne à la maison. » Satisfaite de son plan, elle se rendit le jour même à l’animalerie. Elle y passa une bonne partie de l'après midi. Elle voulait à tout prix choisir la plus belle de toutes les laisses du magasin. Son choix s'arrêta sur un magnifique collier en cuir teint en bleu, attaché à une solide laisse de métal et auquel pendait une médaille qu'elle fit graver à son nom. Il lui en coûta pour ce qu'il lui restait d'économies, mais elle fut folle de joie en sortant de la boutique. Elle courut jusqu'à chez elle, pressée de faire essayer le collier à son compagnon.
En ouvrant la porte, avant même de poser son manteau, elle siffla le chien qui accourut aussitôt. Mais lorsqu'il vit ce que la petite fille tenait dans sa main, il s'arrêta net et s'assit sur le plancher. « As-tu vu ce que j'ai là ? », demanda la petite fille. Le chien se dressa sur ses pattes, recula un peu et se rassit. «  C'est la plus belle de tout le magasin ! », dit-elle, comme pour le rassurer. Le chien recula encore un peu, et se rassit. «  N'aie pas peur, tu vas voir, elle va te plaire. », dit la petite fille en avançant vers lui, le collier ouvert à la main. Le chien recula à mesure qu'elle avançait. Son arrière train butta contre le mur du salon. La petite fille s'énervait. «  Tu dois avoir un collier ! C'est à ça qu'on reconnaît les gentils chiens qui ont un foyer des sales cabots bons pour la fourrière ! ». Puis, d'un bond, elle se rua sur le chien et essaya de lui passer le collier de force. Mais il se débattait bien trop pour qu'elle y arrive. Alors qu'elle essayait encore, le chien lui mordit la main et s'enfuit par la porte qu'elle avait laissée ouverte. Et bien qu'elle continuât à se promener dans les rues de son village, la petite fille ne revit jamais le chien errant.

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