jeudi 28 février 2013

Sonnet - L'enfant s'en est allé


L'enfant s'en est allé
Son rire est sous verrou
Son souvenir tabou
Sa frimousse émaciée

Le poil lui a poussé
Et au torse et aux joues
Alors, sans qu'on sache où
L'enfant s'est envolé

Son âme était féconde
Mais au seuil du monde
Il trouva porte close

Son âme est moribonde
Dans la bière il repose
Son rire n'est plus qu'une onde

lundi 11 février 2013

Texte totalement informel - Le Madère, la Seine et les Cons

Ce soir, j'ai bien cru que j'irais nourrir les poissons de la Seine.
Une série d’événements en apparence mineurs m'ont plongé dans une névrose profonde aussi vite que j'en suis par la suite ressorti. Je n'avais aucune envie de rentrer chez moi. Je n’avais pas envie de voir des amis. J'ai quitté les cours avant la fin de la journée, et je suis passé acheter une bouteille de Madère. Je suis allé à Bercy. Je me suis posé sur la partie inférieure du pont de la Bibliothèque François Mitterrand. J'avais envie d'étreindre et de fuir la solitude en même temps. J'avais envie d'envoyer chier les passants, ma famille et mes amis. Je me disais que rien ne valait la peine. Les mots et les idées se bousculaient dans ma tête en un manège incessant. Et puis, tout à coup, j'ai regardé la Seine.
Elle n'en avait rien à faire de mon trouble, la garce. Elle coulait, simplement. Je me suis dis que tout serait plus simple si je m'y jetais. Que tout serais fini. Que moi aussi je coulerais, simplement. J'avais atteint le pic de cette dépression accélérée. Dans ma vie, c'est la deuxième fois que je pense plus ou moins sérieusement à me foutre en l'air. Mais là, c'était encore plus fort que la fois précédente. Tout paraît si simple, quand on voit les choses de ce point de vue. Tout est si facile. Il suffit d'enjamber la barrière.
J'en étais à la moitié de la bouteille. J'avais froid. Et, soudainement, m'est venue une idée. Un ami m'a il y a quelques temps fait remarquer que je n'avais jamais remercié mon ex pour le pas en avant qu'elle m'avait, involontairement, poussé à faire. Je lui ai envoyé un message, ou je lui disais enfin à quel point le monde qu'elle a voulu me faire découvrir m'avait dégoûté, et à quel point ce dégoût m'avait aidé à y voir plus clair sur qui j'étais vraiment . Je ne m'attendais pas à une réponse. En fait, je n'y pensais déjà plus avant qu'elle n'ait pu le lire. De nouveau, il n'y eu plus que moi, la Seine, et de la béatitude que me procurerais notre union. Mais elle a répondu...
Dans ma vie, c'est la deuxième fois que je lui suis redevable. Si elle n'avait pas été là, bien que je ne sais pas si j'aurais sauté, je serais toujours en plein tête à tête avec la Seine. A l'époque où je l'ai quittée, elle m'a fait comprendre qui j'étais. Aujourd'hui, elle m'a fait comprendre pourquoi le fait d'être qui je suis vaut encore le coup.
J'ai du mal avec mes semblables. Depuis toujours. Et j'ai longtemps cru que j'étais seul responsable de cette profonde incompréhension qui nous séparaient, moi et le monde qui m'entoure. Mais ce soir, toujours fidèle à elle même, mon ex m'a rappelé, involontairement, toujours, qu'il y a sur Terre des cons. Des vrais cons. Pas juste des personnes avec qui je ne m'entends pas forcément bien. De véritables ordures. Élitistes, manipulateurs, égocentriques... Et en bonne ambassadrice, elle m'a fait comprendre que ces gens là ne se jetterons pas du haut d'un pont. Ces gens là ne s’arrêteront pas. Et surtout, que ces gens là ne méritent pas de gagner. Plus que pour les gens que j'apprécie, et, malgré mon côté sociopathe, ils existent, c'est pour les gens que je hais que je veux continuer à me battre. Il est hors de question de me coucher. Ce serait les laisser avoir encore un peu plus d'emprise sur le monde.
J'ai finis la bouteille en lisant les inepties qu'elle m'avait envoyé. Ça suintait le luxe, la prétention, la naïveté et la mauvaise foi. J'y ai pris un plaisir fou. Je me suis levé, et j'ai balancé la bouteille vide dans la Seine. Comme pour lui faire comprendre qu'elle avait échouée. Qu'elle ne m'aurait pas ce soir. La clope au bec, je me sentais grand. Je me sentais fort. Capable de tenir bon malgré les assauts incessant des pires créatures. Je le sais. Je le sens. Je n'en suis qu'au début de mon combat. Et même si, un jour, je me rends compte que ma révolte, quoi que j'en fasse, n'aura pas eu plus d'impact sur le monde qu'un gravier en aurait sur un mur en béton armé, je saurais que je n'aurais pas eu tort. Que je n'aurais pas perdu. Que je ne me serais pas couché.
Parfois, il ne faut pas grand chose pour sortir d'un moment de déprime. Et la prochaine fois que je flirterais avec mes idées noires, je n'aurais qu'a aller retrouver mon amie la Seine, une clope dans une main, une bouteille de Madère dans l'autre, et à discuter avec des cons...