jeudi 7 mars 2013

Nouvelle - Jardins

Nb : J'ai écris cette nouvelle en me pressant. Je devais l'envoyer à un concours dont le thème était " jardins "., et qui se clôturait deux jours après que je m'y sois attelé. Enfin, pour tout dire, j'y ai pas passé beaucoup de temps sur les deux jours en question. Pour plusieurs raisons, je ne pourrais pas l'envoyer ce coup-ci. Ce qui n'est pas bien grave, car je ne fondais pas d'espoir particulier sur ce texte.  Mais comme ça me ferais mal au cul d'avoir planché ( oui, j'ai quand même bossé un minimum ) pour rien, et comme je trouve que tout n'est pas à jeter, je la poste quand même.




 Jardins

Tout a commencé avec un jardin. Il était tout petit. Minuscule. À peine la taille d'un square de quartier. Mais pour moi, il avait la taille d'un continent entier. Il n'était pas très beau, non plus. Quelques arbres, quelques buissons, un parterre de fleurs piétinées par une horde d'enfants négligeant. Mais, pour moi, il était une jungle à la nature luxuriante. Il était entouré de murs couverts d'horribles dessins ton pastel, et des toboggans aux couleurs criardes s'alignaient sans sembler chercher une once d'harmonie. Mais, pour moi, ils brillaient plus que n'importe quel joyau. J'y passais un temps fou. Je sautais dans les flaques, je grimpais aux arbres, je courais, je criais, je riais... Tout était simple, alors. Je ne cherchais rien, je ne voulais rien. Rien que courir, sauter, rire et crier.

Puis, il y a eu le jardin qui bordait la faculté. Il était à moitié en friche. Les buissons poussaient n'importe où. Les arbres y étaient clairsemés. Les bancs y manquaient sérieusement d’entretien. Mais les fleurs y semblaient libres. Elles sortaient de tous côtés, ponctuant sporadiquement le paysage de touches multicolores. J'aimais ce désordre. Du moins, je croyais l'aimer. Je ne me rendais pas compte, alors, que ce que je voyais n'avait rien à voir avec le désordre.
Les chemins étaient à moitié couverts de terre, et on ne pouvais jamais discerner clairement vers quelle direction ils partaient. Nous les arpentions alors, quelques amis et moi, cheveux au vent, en discutant du monde, d'amour et de poésie.

Il y a eu le jardin par lequel je passais pour aller travailler. De celui-ci, je ne garde que peu de souvenirs. Lorsque je ne regardais pas ma montre, je regardais mes pieds. Je me souviens que le chemin était couvert de gravillons. Parfois, l'un d'entre eux se glissait habilement dans une de mes chaussures. Mais, pour ne pas prendre le risque d'être en retard, j'attendais le retour chez moi pour l'en déloger. Je me souviens que les gens jetaient plus facilement leurs détritus par terre que dans les poubelles. Ils jonchaient le sol, à la vue de tous. En été, les restes de repas éparpillés négligemment dégageaient une odeur désagréable. Mais personne ne semblait jamais les remarquer. Peut-être avions nous tous peur d'être en retard.

Il y a eu un jardin d'enfants, aussi. Un autre. Tout aussi minuscule que celui que je fréquentais étant gamin. Et il me semblait encore plus petit qu'il ne l'était vraiment. Je n'y sautais pas dans les flaques. Je n'y grimpais pas aux arbres. Je n'y courais pas. Je n'y criais que pour de mauvaises raisons et je n'y riais que très rarement. Le plus souvent, je restais assis, lisant le journal, et je priais pour que le temps passe le plus vite possible. J'y ai tout de même passé quelques bons moments. Parfois, mon fils, me harcelait assez longtemps pour que je pose mon journal et que j'aille jouer avec lui. D'autres fois, je le regardais, tout simplement, courir, sauter, crier et sauter. Et je souriais.

Il y a eu mon potager. Il ne faisait que quelques mètres carrés, mais, les jours de soleil, il faisait briller ma petite maison de banlieue. Les légumes s'y alignaient parfaitement, par ordre alphabétique. Je mettais un point d'honneur à ce qu'il soit le plus carré et le plus rangé possible. Ça ne m'a jamais vraiment rendu heureux, mais j'aimais y passer du temps. Je crois qu'en fait, c'était surtout pour épater mes voisins, les jours de barbecue. C'était un peu ma vitrine. Ma fierté. J'y ai passé tellement de temps que je ne voyais pas le reste de mon carré de pelouse se faire envahir par les mauvaises herbes. Quand je jetais un œil au jardin, je ne les remarquaient même pas. Et pourtant, elles gagnaient du terrain de saison en saison. Comme si elles voulaient reprendre leurs droits. C'est peut-être pour ça, au fond, que je ne voulais pas les voir. Je savais qu'elles étaient dans leur droit.

Puis, il y a eu le jardin de la maison de retraite. Lui aussi était bien rangé. Bien ordonné. Il fallait nous donner une impression de calme et de sérénité. Et, allez savoir pourquoi, c'est par l'ordre et l’aseptisation qu'ils ont voulu l'illustrer. Mais je n'étais plus dupe. J'aimais beaucoup m'y balader, malgré tout. D'abord avec de la famille. Puis, tout seul. À la fin, je ne pouvais même plus sortir. Je le regardais, de ma fenêtre. Paisible et multicolore. Parfois, j'avais l'impression qu'il me narguait. Mais plus le temps passait, plus je reconnaissais que c'était de bonne guerre. Tout ce qui m'avait animé depuis un temps qui me semblait une éternité commençait peu à peu à s'évanouir. La colère, la peur, la cupidité, les regrets... Tous les masques tombaient l'un après l'autre. Je revenais à l'essentiel. J'aurais aimé, alors, pouvoir courir à nouveau dans un parc.

Il est logique que tout finisse avec un jardin. Funéraire, certes, mais un jardin est toujours beaucoup plus vivant qu'on ne le croit. On vient fleurir ma tombe de temps en temps. Comme pour me faire croire que mon souvenir est toujours vivant. Je sais qu'ils m'ont oublié. Et je ne leur en veux pas. C'est l'ordre des choses. J'ai une très belle vue su un petit coin de nature, de là où je suis. Je regarde les fleurs fleurir et faner. Je regarde les feuilles tomber et réapparaître sur les arbres. Je regarde les oiseaux s'enfuir à l'automne et revenir au printemps. Tout est simple, maintenant.
Le jardin n'est pas très bien entretenu. Parfois, il donne presque l'impression d'être abandonné. Personne n'y passe jamais. Ou, quand ils passent, ils n'y restent pas bien longtemps. Les gens n'aiment pas rester dans ce genre d'endroit. Ils viennent déposer leurs fleurs et s'en vont. Personne ne semble vouloir poser le regard sur ce coin de verdure. Mais pour moi, il est le seul horizon. Et c'est là qu'est la plénitude, je pense. Pas dans l'ordre surfait et le contrôle absolu. Pas dans la course ou l'attente. Dans la contemplation. Les jardins ont poussé partout dans ma vie. Ils ont supporté de mes premiers pas à mes derniers. Et, pourtant, j'ai l'impression d'en regarder un pour la première fois.

dimanche 3 mars 2013

Sonnet - Que restera t-il


De moi, que restera t-il
Quand les ombres enfin viendront ?
Quoi qui ne soit pas futile ?
De quoi se souviendra t-on ?

Des paroles volatiles ?
D'un discours un peu brouillon ?
D'un verbe qui se croit subtil ?
De la bière ? Des opinions ?

Ce sera mon héritage,
Car mon plus précieux bagage
Je le prendrai avec moi.

Et, le soir, à la fenêtre,
Tu verras briller, peut-être,
Dans le ciel, un bon gros doigt.