Ça y est. J'ai passé le pas. J'ai
définitivement laissé derrière moi l’appellation " teenager ".
J'ai pas beaucoup de mérite, ceci dit. J'y ai été poussé.
Alors que j'hésitais sur le seuil, me
demandant si j'allais pas faire une connerie, j'ai reçu un bon coup
de pied au cul qui m'a fait passer la ligne. J'ai pas bien vu qui me
l'a donné. Cette enflure s'était dissimulée sous un drap noir. En
voyant mon visage déconfit se tourner vers elle, elle a rigolé un
bon coup et s'est éloigné en me lançant des grands " Tic –
Tac – Tic – Tac ".
Alors ça y est, vingt ans. Vingt ans
pourquoi ? Vingt ans de quoi ? Mine de rien, j'en ai semé, des
cailloux derrière moi. Pas pour retrouver mon chemin, ce serait
futile. Faire marche arrière est impossible. Je sais bien que l'ogre
finira par me chopper. Il avance vers moi à grands pas. Ou peut-être
est-ce l'inverse. Au fond, peu importe. Quand je le sens trop proche,
je jette un oeil aux cailloux que j'ai laissé derrière moi. Et je
me dis que j'aurais au moins ça.
Vingt ans de quoi ? De tellement de
choses qui sont si peu de chose. De si peu de choses qui représentent
tellement.
Des journées perdues, plus ou moins. D’oisivetés maladives. De paresses dépressives. De mollesses
injustifiées. Des journées productives, aussi, c'est arrivé.
Un bagage culturel qui ne demande qu'a
s'étoffer. Une envie de connaître qui ne sera jamais comblée. Des
films vus et revus, des chansons entendues puis écoutées, des
livres lus, mais pas tous en entier.
Des hontes, des lâchetés, des
regrets. Des secrets aussi, qui pèsent lourd sur ma conscience. Des
taches au tableau. Mais, comme qu'y dirait, il en faut.
Des occasions manquées, des ratages
complets. Surtout en amour. Putain, surtout en amour.
Quelques vols. Quelques tricheries.
Quelques insectes exécutés. Beaucoup de mensonges. Surtout à moi
même. Putain, surtout à moi même.
Peu d'attachements. Peu d'aventures.
Peu de rencontres. Peu de solide. Peu de concret. Beaucoup de rêves.
Des délires, aussi. Des fous rires
comme pas permis. Dont beaucoup ont vu le jour au sein d'une
complicité fraternelle que beaucoup nous envient. Quelque chose que
j'ai mis du temps à reconnaître. Que j'ai mis du temps à accepter.
Mais qui a toujours été là.
Des blagues téléphoniques, des
sonnettes martyrisées, des poubelles éparpillées, des panneaux
abaissés, des plots déplacés, des cours séchés. Des gamineries
qui n'ont pas finies d'être perpétrées.
Des amis, aussi, mine de rien. Des amis
qui se comptent sur les doigts d'une main. Ce qui est parfait,
puisque ça m'en laisse une de libre pour présenter mon majeur à
une bonne partie des badauds.
Quelques textes. Pas assez. Des pleins
tiroirs de projets entamés. Des ambitions mal menées. Mais bon
dieu, une telle envie de créer.
Alors ça y est, vingt ans. Vingt
années consumées. Un tas qui prend en volume en bas du sablier.
Mais, si tout va bien, encore pas mal de grains à tirer.
Vingt ans et une envie de pleurer.
Vingt ans et une envie de bouger.
Vingt ans, d'accord. Et après ?