Passant devant moi, elle s'arrête
Le visage clair sous son front blond
Et elle se tient sur mon perron
Pourtant, plus personne ne s'arrête
De ses yeux bleus elle me regarde,
D'un regard tendre et apaisant
Jeunette, il y a bien longtemps
Que plus personne ne me regarde
D'un croissant blanc elle me sourit,
Fendant son visage ingénu
Pourtant bon dieu, j'avais perdu
L'habitude qu'un ange me sourit
Et comme en guise de salut
Elle me tends sa main gantée
Ça me semble faire des années
Que je n'ai vu de main tendue
Toi, la fillette qui me regarde,
Depuis que je suis planté là
Tu es la première qui me voit,
Tu es la première qui s'attarde
De la lumière de ton enfance
Haute comme deux pommes ou comme trois,
Tu sembles avoir vu au delà,
C'est peut-être ça l'innocence
Alors de tes tout petits doigts
Dans l'ombre glacée de ma paume
Tu me déposes quelques ronds jaunes
Et t'en va rejoindre ton toit
Va t'en retrouver tes parents,
Je resterai sur mon pavé
À te regarder t'éloigner,
Déjà la nuit tombe doucement
Va t'en retrouver ton cocon
Ma douce enfant, mon chérubin
Ton regard j'en ai fait mon pain,
Ton sourire j'en fais ma maison
Caché sous une lumière blafarde
Je pense tout en fermant les yeux
À ceux qui m'ignorent, ou, au mieux,
De coups d’œil malveillants me lardent
Et si le monde était peuplé
De petits anges qui sourient,
À défaut d'être bien nourri
Au moins je serais regardé
Et si les grands avaient su faire
Un monde juste un peu moins pourri
J'aurais résisté à la nuit,
J'aurais survécu à l'hiver